Par trois arrêts de la Cour d’appel de Colmar rendus en mars 2020 en matière de droit des étrangers (CA Colmar, ch. 6, 12 mars 2020, n° 20/01098 ; CA Colmar, ch. 6, 16 mars 2020, n° 20/01142 ; CA Colmar, ch. 6, 23 mars 2020, n° 20/01207), les juges français qualifient pour la première fois la pandémie de COVID-19 de force majeure :
« L’appelant, M. A X, n’ayant pu être conduit à l’audience à la Cour d’appel, en raison des circonstances exceptionnelles et insurmontables, revêtant le caractère de la force majeure, liées à l’épidémie en cours de Covid-19 ; en effet, nous avons été informée en fin de matinée de ce qu’un étranger retenu au CRA de Geispolsheim présentant les symptômes de ce virus était en cours de dépistage et avait notamment été en contact avec le personnel de l’Ordre de Malte lors d’un entretien d’une heure. Le personnel de cette association fait dès lors l’objet d’un confinement de 14 jours. Or, la présence concomitante dans ce centre de cette personne et de M. A X qui, lui-même a été aussi assisté par le personnel de l’Ordre de Malte pour la rédaction de son acte d’appel ; en conséquence l’intéressé est susceptible également d’avoir été en contact rapproché avec l’étranger susceptible d’être atteint de ce virus.
Dès lors, ces circonstances exceptionnelles, entraînant l’absence de M. A X à l’audience de ce jour revêtent le caractère de la force majeure, étant extérieures, imprévisibles et irrésistibles, vu le délai imposé pour statuer et le fait que, dans ce délai, il ne sera pas possible de s’assurer de l’absence de risque de contagion et de disposer d’une escorte autorisée à conduire M. X à l’audience. De plus, le CRA de Geispolsheim a indiqué ne pas disposer de matériel permettant d’entendre M. A X dans le cadre d’une visio-conférence, ce dont il résulte qu’une telle solution n’est pas non plus envisageable pour cette audience. »
CA Colmar, ch. 6, 12 mars 2020, n° 20/01098
« Il y a lieu de relever que, compte tenu de la pandémie COVID-19 en cours, et bien qu’en l’état de nos informations, aucun cas n’ait été confirmé parmi les retenus, la situation demeure très évolutive, avec l’imminence possible de mesures de confinement, et marquée d’ores et déjà par un passage au stade 3 impliquant une circulation active du virus, de surcroît dans les départements du Haut-B et du Bas-B, qui constituent des foyers particulièrement notables de l’épidémie, caractérisée par un degré de contagion important et de nature à faire courir des risques réels et suffisamment sérieux à l’ensemble des personnels requis pour assurer la tenue de l’audience en présence du retenu.
Dès lors, ces circonstances exceptionnelles, entraînant l’absence de M. X à l’audience de ce jour revêtent le caractère de la force majeure, étant extérieures, imprévisibles et irrésistibles, vu le délai imposé pour statuer et le fait que, dans ce délai, les risques, tels qu’ils sont décrits ci-avant, sont absolument insusceptibles de connaître une évolution suffisamment favorable, ce qui commande de statuer hors la présence du retenu »
CA Colmar, ch. 6, 16 mars 2020, n° 20/01142 ; CA Colmar, ch. 6, 23 mars 2020, n° 20/01207
La motivation des trois décisions est similaire, mais la problématique de force majeure était liée à des questions de procédure et de comparution. Reste à savoir si les caractéristiques de la force majeure seront considérées réunies dans d’autres domaines, notamment en matière contractuelle et commerciale.
PLCJ Team – 1er avril 2020