Si l’associé bénéficie en principe d’un droit absolu de demeurer dans la société[1], son exclusion peut être admise dans les cas prévus par la loi ou sur convention des associés.
Lorsqu’une clause d’exclusion est insérée au sein de statuts ou conventions extra-statutaires, elle représente un véritable outil juridique en ce qu’elle permet de remédier à un blocage, et maîtriser ainsi la cohésion de la société.
La clause doit nécessairement prévoir l’organe habilité à statuer sur l’exclusion.
Il est extrêmement fréquent, au regard de son importance et de sa gravité, que la décision d’exclusion relève d’un organe collégial (assemblée générale, conseil d’administration).
Dans une telle hypothèse, la clause ne doit pas priver l’associé concerné de son droit de participer à la décision et de voter, sous peine d’être réputée non écrite (c.f. Article « Prudence dans la rédaction des clauses d’exclusion »).
En raison de la liberté statutaire dont jouissent les sociétés commerciales, le pouvoir d’exclusion peut valablement être confié à un organe autre que l’assemblée des associés, permettant ainsi de faire obstacle au droit de vote de l’associé exclu, ou encore d’éviter une minorité de blocage.
Une telle liberté statutaire d’exclusion a également été admise dans les sociétés civiles.
Dans un arrêt Finamag[2], la Cour de cassation a en effet retenu la régularité de la clause par laquelle le gérant d’une société civile avait le pouvoir de décider l’exclusion d’un associé, sans qu’une décision collective ne soit nécessaire.
Cette solution apparait justifiée, au regard de la souplesse du régime légal de la société civile.
Elle se révèle tout à fait conforme à l’article 1852 du Code civil qui dispose que « Les décisions qui excèdent les pouvoirs reconnus aux gérants sont prises selon les dispositions statutaires ou, en l’absence de telles dispositions, à l’unanimité des associés. »
La Cour semble toutefois veiller à tempérer la liberté statutaire consacrée, afin de ne pas laisser place à une décision d’exclusion purement arbitraire.
Dans l’affaire en cause, il revenait au gérant de décider l’exclusion précisément en cas de perte de la qualité requise pour être associé.
La Cour parait ainsi accorder à la société civile une liberté d’attribution de la compétence d’exclusion, lorsque sont prévues statutairement des conditions objectives susceptibles de donner lieu à l’exclusion.
Implicitement, cette décision semble accroître la nécessité d’une rédaction précise des statuts, et d’une procédure d’exclusion organisée.
Pour autant, la Cour ne conditionne pas expressément une telle compétence à un évènement préalable objectif. Il n’est donc pas exclu que la décision d’exclusion puisse également relever d’un organe de direction lorsqu’est en cause une situation tout à fait subjective, telle qu’un dissentiment entre associés. En tout état de cause, il apparait plus probable et logique que le pouvoir soit conféré, dans un tel cas, à la collectivité des associés.
Un second rempart semble résider dans le respect du principe de la contradiction[3].
Ainsi, l’organe ayant compétence pour décider de l’exclusion devra notifier à l’associé concerné, par lettre recommandée, les motifs pour lesquels une procédure d’exclusion est engagée et l’inviter à présenter ses observations sur les griefs avancés.
Le respect d’un tel principe se révèlerait utile lorsqu’est en cause un comportement susceptible d’appréciation, et non une perte de qualité objective[4].
Pourtant, dans l’arrêt Finamag, la Cour décide d’en faire application dans le cas précis d’une perte de qualité requise pour être associé.
De surcroît, l’inobservation du principe du contradictoire n’est pas sanctionnée par la nullité de la décision d’exclusion. La Cour de cassation a en effet considéré que l’impossibilité pour l’associé exclu de s’expliquer devant l’organe ayant décidé son exclusion ne relève pas du champ d’application de l’article 1844-10 du Code civil, et ne constitue donc pas une cause de nullité[5].
En conséquence, si la Cour de cassation tente de tempérer l’arbitraire de la décision, en instituant certains garde-fous, l’on peut aisément douter de la portée et l’utilité de ces derniers.
La Cour de cassation pourrait ainsi être tentée de préciser les contours de cette liberté nouvellement affirmée, afin d’instituer un véritable cadre légal et appeler à la plus grande minutie dans la rédaction des clauses d’exclusions.
Team PLCJ – 20 septembre 2022
[1] Article 544 Code civil : « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. »
[2] Cass, Com., 20 mars 2012, n°11-10.855, Finamag : « Mais attendu qu’ayant relevé que la décision de racheter une partie des droits sociaux de M. Maucollot à la suite de la perte par ce dernier de la qualité de salarié d’une société du groupe avait été prise conformément aux statuts de la société Finamag, la cour d’appel en a exactement déduit que cette décision était régulière, peu important que l’exclusion de l’associé fût une simple faculté pour le gérant, statutairement investi du pouvoir de la prononcer ; que le moyen n’est pas fondé ; »
[3] Cass, Com., 20 mars 2012, n°11-10.855, Finamag : « Mais attendu qu’ayant constaté que le gérant de la société Finamag avait décidé l’exclusion partielle de M. Maucollot après lui avoir notifié la mise en œuvre de la procédure prévue en pareil cas, par une lettre qui précisait le motif de l’exclusion envisagée ainsi que ses modalités et qui invitait l’associé concerné à présenter ses observations sur ces points, la cour d’appel en a justement déduit que cet associé n’était pas fondé à se prévaloir de l’inobservation du principe de la contradiction ; que le moyen n’est pas fondé ; »
[4] H. Hovasse, « Exclusion d’un associé d’une société civile pour perte d’une qualité objective », Droit des sociétés n°5, mai 2012, comm. 77
[5] Cass, Com., 13 juillet 2010, n°09-16.156