L’équipe PLCJ est particulièrement fière d’avoir obtenu gain de cause devant la Cour de Cassation, cette dernière confirmant un très récent revirement de jurisprudence s’agissant du point de départ du délai pour interjeter appel, par un arrêt du 1er octobre 2020 (Cass, Civ 2ème, 1er octobre 2020, n° 19-14.746, publié) :
« Vu l’article 684 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-892 du 6 mai 2017 :
4. En application de ce texte, la date à laquelle est effectuée la remise à parquet de la décision à notifier ne constitue pas, à l’égard du destinataire, le point de départ du délai pour interjeter appel de cette décision.
5. Pour déclarer les appels irrecevables, l’arrêt retient qu’à l’encontre des parties domiciliées à l’étranger, le délai d’appel court du jour de la signification régulièrement faite au parquet et non de la date de la remise aux intéressés d’une copie de l’acte par les autorités étrangères, et que le jugement condamnant M. G. en comblement de passif ayant été remis au parquet du tribunal mixte de commerce de Saint-Denis par acte d’huissier le 14 mars 2017 et transmis par le parquet au Garde des Sceaux le 23 mars 2017, les appels formés une première fois par l’effet d’une déclaration d’appel remise au greffe de la cour par voie électronique le 30 août 2017 et une seconde fois par déclaration d’appel remise au greffe par voie électronique le 12 janvier 2018, l’ont été hors délai.
6. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 14 décembre 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Saint-Denis-de-la-Réunion »
- L’état du droit antérieur
Au moment où l’appel a été interjeté dans l’affaire susvisée, le régime des notifications à l’étranger était distinct pour :
- Les notifications dans l’Union Européenne ; régies par la circulaire du 1er février 2006 relative aux notifications internationales (NOR : JUSCO82397C) ;
- Les notifications dans les pays signataires de la Convention de La Haye du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l’étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale ;
- Les notifications de droit commun dans les autres pays.
Dans les deux premiers cas de figure, la date de signification d’un arrêt à l’égard du destinataire de l’acte est celle à laquelle l’autorité étrangère compétente signifiait l’acte à son destinataire (article 12.2 de la circulaire, Cass. Civ. 1ère, 23 juin 2011, n°09-11.066 ; Cass. Civ. 1ère, 18 décembre 2014, n° 13-25.745).
Tel n’était pas le cas en revanche pour les notifications de droit commun, pour lesquelles le point de départ du délai était la date de signification de l’acte à notifier au parquet ( Cass. Civ. 3ème, 3octobre 2007, n°06-15.089 ; Cass. Com., 6 octobre 2009, 08-16.732) : « Attendu qu’à l’encontre des parties domiciliées à l’étranger le délai de pourvoi de deux mois augmenté de deux mois court du jour de la signification régulièrement faite au parquet et non de la date de la remise aux intéressés d’une copie de l’acte par les autorités étrangères ». Cette solution, bien que souvent critiquée pour sa rigueur, était l’état du droit positif jusqu’à la modification du Code de procédure civile en 2019.
- L’alignement du droit des notifications internationales par le décret du 3 mai 2019
La date du point de départ du délai d’appel est aujourd’hui très clairement fixée par l’article 687-2 du Code de procédure civile, introduit par le décret n° 2019-402 du 3 mai 2019, qui renforce la clarté du dispositif existant et aligne le droit commun des notifications internationales sur le droit des notifications en matière européenne et dans le cadre de nombreux traités internationaux :
« La date de notification d’un acte judiciaire ou extrajudiciaire à l’étranger est, sans préjudice des dispositions de l’article 687-1, à l’égard de celui à qui elle est faite, la date à laquelle l’acte lui est remis ou valablement notifié.
Lorsque l’acte n’a pu être remis ou notifié à son destinataire, la notification est réputée avoir été effectuée à la date à laquelle l’autorité étrangère compétente ou le représentant consulaire ou diplomatique français a tenté de remettre ou notifier l’acte, ou lorsque cette date n’est pas connue, celle à laquelle l’une de ces autorités a avisé l’autorité française requérante de l’impossibilité de notifier l’acte.
Lorsqu’aucune attestation décrivant l’exécution de la demande n’a pu être obtenue des autorités étrangères compétentes, nonobstant les démarches effectuées auprès de celles-ci, la notification est réputée avoir été effectuée à la date à laquelle l’acte leur a été envoyé. »
Seule est désormais prise en compte la remise effective de l’acte au destinataire dans toutes les hypothèses de signification. Mais qu’en est-il des actions introduites avant l’entrée en vigueur de ce décret ?
- Le revirement de jurisprudence de 2020 et la fin de la fiction de la remise à parquet
Pour toutes les actions introduites avant l’entrée en vigueur du décret du 3 mai 2019 le droit positif aurait dû conduire à la prise en compte de la date de remise à parquet comme point de départ du délai d’appel.
Une telle solution aurait toutefois été en contradiction profonde avec les principes généraux qui gouvernent la notification des actes de procédure ainsi qu’avec l’esprit du régime juridique des notifications internationales. En effet, l’objet même de la notification est le fait de porter un acte à la connaissance d’autrui. Seule la connaissance de l’acte par son destinataire doit produire les effets attendus de la notification, parmi lesquels le déclenchement des délais pour exercer les recours. En conséquence, une notification ne doit pas être considérée comme accomplie si elle ne met pas son destinataire en mesure de prendre connaissance du contenu de l’acte notifié.
En outre, maintenir cette fiction de la remise à parquet comme point de départ du délai d’appel (pour les actions introduites avant l’entrée en vigueur du décret du 3 mai 2019) aurait porté une atteinte grave au droit à un procès équitable et, plus spécialement, au droit d’accès au juge, lequel doit être concret et effectif. C’est bien la connaissance de l’acte par son destinataire qui produit les effets attendus de la notification, parmi lesquels le déclenchement d’un délai pour exercer un recours. La sécurité juridique commande que les justiciables puissent exercer leurs droits civiques et ne pas être privés d’un accès effectif à une voie de recours ouverte (CEDH, 4 décembre 1995, Belet c. France, req. n° 23805/94).
Or en l’espèce, la Cour d’appel de Saint-Denis de La Réunion a considéré que le délai pour interjeter appel courait « du jour de la signification régulièrement faite au parquet et non de la date de la remise aux intéressés d’une copie de l’acte par les autorités étrangères ». Après avoir constaté que l’acte à signifier avait été transmis au parquet le 14 mars 2017 et que le parquet l’avait lui-même transmis au ministère de la Justice le 23 mars 2017, le juge du fond a finalement considéré que le point de départ du délai pour interjeter appel était l’une de ces deux dates et que l’appel interjeté à une date ultérieure était dès lors irrecevable.
Après avoir amorcé son revirement de jurisprudence par un arrêt du 30 janvier 2020 (Cass. Civ. 2ème, 30 janvier 2020, n° 18-23.917), la Cour de cassation entérine ce changement par l’arrêt du 1er octobre 2020, qui vient casser l’arrêt d’appel et renvoyer les parties devant la Cour d’appel de Saint-Denis de La Réunion autrement composée.
PLCJ Team – 13 octobre 2020