Les effets du Covid-19 se font ressentir sur l’économie mauricienne. Les citoyens et les entreprises sont directement impactés par les conséquences de la propagation de ce virus.
De nombreuses interrogations surgissent, notamment quant à l’organisation du travail.
Ci-après un point juridique pour faire face à la crise du Covid-19.
1. Préserver notre santé sur le lieu de travail :
Le lieu de travail doit être un lieu où la sécurité et la santé des salariés sont préservées, comme le rappelle la section 5 de l’Occupational safety and health Act :
“(1) Every employer shall, so far as is reasonably practicable, ensure the
safety, health and welfare at work of all his employees (…)”.
Il découle de cette obligation générale quelques conséquences pratiques dont la nécessité d’être tous acteurs de la préservation de notre santé (a) et l’éventuel recours au travail à distance (b).
a) Préservation de la santé
Diverses mesures d’ordre organisationnel peuvent être prises afin d’assurer la sécurité et la santé de tout le personnel sur son lieu de travail.
Par exemple, les salariés devraient éviter de travailler trop proches les uns des autres ou des clients afin de limiter la transmission du virus : pose de vitres en plastique transparent entre les caissiers et les clients d’un magasin, écarts entre les postes de travail, recours au télétravail, etc.
En outre, les précautions sanitaires à suivre sur le lieu de travail (nettoyage systématique des postes de travail, ne pas créer de contact pour saluer ses collègues ou les clients, etc.) ou le rappel des règles de bases qui permettent d’éviter la propagation du virus (utilisation fréquente de gel hydroalcoolique, bien se laver les mains régulièrement, etc.) peuvent être communiquées.
b) L’éventuel recours au télétravail
Les rassemblements devront être évités au maximum, ce qui inclut les rassemblements sur le lieu de travail. Si la nature de la tâche le permet, le recours au télétravail est une solution permettant d’éviter cela.
Les personnes qui télétravaillent relèvent de la nouvelle catégorie dite des « Atypical Workers » créée par le Workers’ Rights Act 2019. Cette catégorie de salariés est encadrée par un ensemble de règles contenues notamment dans le Workers’ Rights (Atypical Work) Regulations 2019.
Conformément à la section 3 de cette regulation, l’employé qui travaille habituellement au bureau ou dans tout autre lieu peut présenter une requête à son employeur afin de passer en télétravail. L’employeur sera tenu d’accepter cette requête à moins d’être en mesure d’opposer une raison valable, lesquelles sont limitativement énumérées par les textes. En outre, l’employeur peut, sous réserve des dispositions du contrat de travail d’un employé qui travaille habituellement au bureau ou dans tout autre lieu, demander à celui-ci de passer en télétravail.
Dans tous les cas, que ce soit à la demande de l’employé ou de l’employeur, il est important de noter que l’accord marquant le passage au télétravail doit être matérialisé par un écrit (section 3 (4) de la regulation). Le texte dispose par ailleurs que certaines mentions sont obligatoires (relatives à la durée du télétravail et à la faculté de l’employé d’y mettre fin).
Concernant l’organisation pratique de la journée de travail, le temps de travail normal de l’employé ne change pas et sera de 45 heures par semaine (à l’exclusion de la pause déjeuner et des pauses café).
La rémunération de l’employé ne sera pas différente de celle d’un autre employé dans une situation comparable et qui effectue le même nombre d’heures de travail avec des obligations identiques ou similaires au lieu de travail de l’employeur.
2. Faire face à une baisse d’activité de l’entreprise :
La crise du Covid-19 est mondiale, ce qui a pour effet d’entraîner une baisse d’activité dans certains secteurs.
Lorsque l’activité de l’entreprise baisse, certains moyens peuvent être pensés afin de surmonter celle-ci, dont le chômage partiel (a), la suspension du contrat de travail (b) ou une réduction temporaire du travail (c). Pour l’heure, aucune mesure exceptionnelle n’a été officiellement annoncée par le gouvernement mauricien en matière de droit du travail (d).
a) Le recours au chômage partiel
Il est possible d’avoir recours à ce qui est communément appelé en pratique le « chômage partiel » : c’est-à-dire ne pas donner de travail à exécuter aux salariés de manière temporaire, la rémunération étant toutefois maintenue.
Ce chômage partiel peut être mis en place unilatéralement par l’employeur dans les conditions suivantes :
- la rémunération du salarié devra lui être pleinement versée (section 32. (1) du Workers’ Rights Act) ; et
- l’absence de travail donné au salarié devra être courte et à durée déterminée. En effet, la durée courte et déterminée de cette absence de travail permet de qualifier cette modification de la relation de travail comme étant « non-substantielle», ce qui permet d’imposer cette modification à l’employé sans son accord (conformément à la jurisprudence).
A contrario, il pourrait être prévu une durée longue et/ou indéterminée de l’absence de fourniture de travail au salarié, mais cette modification pourrait être considérée comme étant « substantielle », ce qui impliquera le recueil préalable de l’accord du salarié. La rémunération du salarié devra toujours lui être pleinement versée pendant cette absence de travail.
b) La collaboration de l’employeur et des employés
Ensemble, l’employeur et les employés peuvent trouver diverses solutions afin de faire face aux difficultés économiques qui peuvent découler de l’épidémie. Cette collaboration peut se manifester par le biais d’accords communs.
De ce fait et en cas de difficultés financières ne laissant pas d’autres choix que de réduire l’activité des salariés, chaque partie pourrait convenir de tels accords, afin de préserver ensemble les intérêts de l’entreprise et du salarié sur le long terme. La participation de tous les acteurs, aussi bien de l’employeur que des employés et leurs représentants est essentielle afin de trouver des mesures efficaces et adaptées.
Par exemple, il peut s’agir d’une concertation entre employeurs et salariés dans laquelle ceux-ci s’arrangent pour pouvoir prendre les congés annuels pendant la crise.
Autre exemple, il peut s’agir d’un accord sur une suspension de la prestation de travail et de la rémunération, ce qui constitut juridiquement une suspension du contrat de travail (matérialisé par un avenant au contrat). Une telle suspension ne pourra pas être imposée par l’une des parties, les difficultés économiques d’une entreprise ne constituant pas un cas de force majeure permettant de suspendre unilatéralement l’exécution de contrats de travail (par exemple, voir l’arrêt de la Cour Suprême « Ismael v. Jay Fashion Limited).
c) La réduction d’activité
Unilatéralement, il est possible de réduire temporairement à la fois l’activité et à la fois les salaires en conséquence, à condition de recueillir l’accord préalable de l’officier superviseur du Ministère du travail (Section 32. (2) du Workers’ Rights Act).
Cet accord préalable est obtenu après avoir présenté une demande par écrit et circonstanciée auprès du Ministère.
Toutefois, il est nécessaire de noter que cette procédure n’est encadrée par aucun délai. Elle pourrait donc être assez longue en fonction du traitement de la demande.
d) L’incertitude autour des mesures exceptionnelles que pourrait prendre le gouvernement
Pour le moment, aucune mesure exceptionnelle n’a été annoncée officiellement par le gouvernement concernant le recours au chômage partiel et / ou aux suspensions des contrats de travail.
Le Ministère du Travail, que nous avons contacté par téléphone, nous a toutefois informé qu’il travaillait sur cette question en ce moment même.
PLCJ Team
Le 19 mars 2020